Intelligence artificielle et la formation des enseignants – 2e partie
En première partie de cet article, nous avons abordé le bouleversement que devrait avoir l’intelligence artificielle (IA) sur la formation des élèves et leurs futurs enseignants. Regardons maintenant les diverses possibilités où l’IA pourrait transformer positivement l’éducation. Le rôle de l’enseignant, la façon d’enseigner et les programmes eux-mêmes seront sans doute impactés par l’IA. Voici quelques réflexions sachant que nous n’en sommes qu’au balbutiement de son potentiel et de son implantation.
Autant de « profs » que d’élèves
Commençons par la plus grande faiblesse de l’école qui s’est accrue depuis les dernières décennies : des classes de plus en plus hétérogènes et avec trop d’élèves. On pourrait parler de la composition de classe, de la pertinence d’avoir divers profils, y compris des jeunes avec des troubles d’apprentissage, les TSA, les doubles niveaux, etc. Mais au final, un professeur enseigne un programme à un groupe de 20 à 32 élèves en moyenne au Québec. Les cours suivent un calendrier imposé, selon la performance de la majorité qui forme une moyenne (faisons fi des changements de notes et du traficotage possible des directions).
Tant que cette moyenne est au-dessus de la note de passage, donc le seuil de la réussite, le système d’éducation favorise la formation du plus grand nombre. On échappe ainsi malheureusement beaucoup de jeunes qui ont des besoins particuliers, typiquement ceux sous la moyenne ou en échec. On passera également sous silence la notion de qualité ou le niveau fixé de ce que l’on considère « la réussite ».
Alors, en quoi l’intelligence artificielle changerait-elle la donne? L’IA permettrait un apprentissage individualisé, au rythme et selon l’approche optimale pour chaque élève. Ceci est impensable dans le système scolaire actuel. Ça reviendrait à avoir pratiquement autant de profs en classe que d’élèves. Cela serait l’équivalent de faire du tutorat privé pour arriver à ce niveau d’enseignement sur mesure. L’IA permettrait d’offrir cette aide personnalisée, jour après jour, au rythme de chacun, en passant à travers le programme avec des explications, des exemples, des exercices conformes, mais adaptés pour arriver à la compréhension attendue.
Imaginez une classe où chaque jeune a sa propre interface informatique et un profil d’enseignement spécifique selon son historique, ses forces et faiblesses, ses résultats, etc. Un véritable plan d’intervention pour chacun afin d’optimiser l’apprentissage. Ceci se ferait à un coût relativement modeste au-delà de l’investissement requis pour l’infrastructure informatique. C’est clair que le rôle de l’enseignant vient de changer drastiquement avec cette approche et pour le mieux! Car on ne doit pas, selon moi, envisager l’absence d’un prof qualifié en classe, tout comme les cours à distance ne sont pas souhaitables pour la sociabilisation des enfants. Un groupe de jeunes en classe, avec ses relations humaines et un enseignant, aura toujours sa place dans l’école de demain.
Des évaluations naturelles
L’évaluation des apprentissages ferait aussi partie de la révolution de l’IA. Les enseignants eux-mêmes critiquent souvent la pression des évaluations omniprésente dans le calendrier scolaire. Pas assez de temps d’apprentissage et trop de temps passé à évaluer. Et si l’IA permettait d’évaluer au quotidien les progrès, l’ensemble du travail effectué, le temps requis (indice de facilité), le raisonnement et non pas uniquement des examens ponctuels en groupe qui mesurent la performance à un moment précis, de façon arbitraire et sous pression.
L’IA permettrait de mesurer le parcours de chaque apprenant, selon le travail accompli jour après jour. Ceci inclut les questions posées par l’élève pour valider sa compréhension et son intérêt. L’école pourrait mieux anticiper le niveau réel de chacun avec ses difficultés (en prenant plus de temps) et ses facilités (en passant à la prochaine notion). Cela permettrait alors d’accorder une attention particulière et ciblée avant que l’on en arrive à un échec, par exemple. La mesure de la compréhension des connaissances et la maîtrise des compétences recherchées seraient globales et beaucoup moins subjectives ou liées à la gestion de l’anxiété du jeune.
On parle souvent d’école à 2 ou 3 vitesses. Grâce à l’IA, on pourra un jour parler d’école sur mesure adaptée à la vitesse de chaque élève. La formule de cours AMI (par modules) de l’école secondaire Georges Vanier, à Laval, démontre depuis longtemps les mérites d’une formation au rythme de chaque jeune : certain finissent leur secondaire en 3 ans et demi, d’autres en 6 ans plutôt que 5.
Les relations humaines au cœur de la mission scolaire
L’école pourrait ainsi mieux se concentrer sur un rôle fondamental avec les relations humaines, tant entre les enfants eux-mêmes qu’avec l’enseignant. Si la transmission du savoir et l’évaluation sont prises en charge par l’IA (en tout ou en partie), celle-ci libérerait le prof qui pourrait pleinement jouer un rôle de plus haut niveau. Il pourrait consacrer plus de temps à la socialisation et à la coopération, au renforcement positif, à favoriser l’estime de soi, à synthétiser les apprentissages et à les mettre en lumière dans la vie de tous les jours, etc. Le prof en classe pourrait consacrer plus de temps pour faire des exercices en équipe, proposer des activités complémentaires comme des débats d’idées ou des projets artistiques favorisant la créativité. L’enseignant aurait beaucoup plus de temps pour favoriser d’autres compétences. Pensons au raisonnement, à l’analyse, à l’intelligence émotionnelle et à la curiosité. Des habiletés essentielles qui seront de plus en plus sollicitées dans le futur. On voudra plus que jamais se démarquer de l’IA!
Une formation élargie et à la carte
L’école pourrait également revenir à une mission largement délaissée au profit de la maîtrise des matières traditionnelles, celle de former des citoyens. Ça pourrait vouloir dire plus de sports et d’activités complémentaires favorisant l’esprit d’équipe, l’entraînement, le sens de la saine compétition, de l’excellence ou l’atteinte de son plein potentiel, la nutrition, etc. Former des citoyens ayant un réel esprit critique, un jugement basé sur le gros bon sens, mais aussi sur l’analyse et les méthodes scientifiques. Il ne s’agit pas de former de petits robots génériques, mais des êtres humains ayant de solides bases pour mieux exprimer leurs différences et préférences.
En parlant de différence, devons-nous tous apprendre les mêmes notions dès le plus jeune âge? Une base commune est certes essentielle pour la cohésion sociale et l’identité culturelle, par exemple. Ce principe d’une formation personnalisée existe au collégial avec un tronc commun, des cours par programme et quelques cours optionnels. Au primaire et au secondaire, il existe très peu de variations possibles pour répondre aux préférences personnelles. Ou bien cela se traduit par des programmes à vocations particulières (informatique, robotique, langues, sciences, arts, etc.). Un enseignement personnalisé encadré par l’IA ouvrirait la porte à des préférences individuelles et pourrait éveiller les aptitudes de chacun. Pas besoin d’expliquer en quoi ceci pourrait considérablement améliorer la motivation et l’adhésion envers l’école et réduire le décrochage scolaire!
Maîtriser et profiter de l’IA en éducation
L’IA sera certainement une menace… au statu quo. Nous avons délaissé graduellement la production en usine avec des ouvriers à la fin du 20e siècle. La formation de travailleurs du savoir avec une économie largement basée sur les services a pris le dessus. Les emplois de demain vont à nouveau impliquer la formation de nouveaux types de travailleurs. Mais cette fois-ci, en complémentarité de l’IA. Le rôle des humains changera forcément puisque nous ne serons plus de taille en termes de productivité. C’est le continuum de la robotisation des 25 ou 30 dernières années.
Vous doutez encore de l’importance d’adapter la formation scolaire dès maintenant? Voici un extrait de ce que l’intelligence artificielle de Google Gemini m’a répondu concernant cette question :
L’intelligence artificielle bouleverse le monde du travail, et l’éducation doit s’adapter pour préparer les élèves aux emplois de demain.
- L’IA automatise de nombreuses tâches répétitives, ce qui signifie que les travailleurs de demain devront avoir des compétences plus élevées en matière de pensée critique, de créativité et de résolution de problèmes;
- De nouveaux emplois apparaîtront dans le domaine de l’IA, et les élèves doivent être formés pour pouvoir les occuper;
- L’IA peut également être utilisée pour améliorer l’apprentissage, et les enseignants doivent être formés pour l’utiliser de manière efficace;
- L’IA peut aider à réduire les inégalités et favoriser l’inclusivité en matière d’éducation en offrant à tous les élèves un accès aux mêmes ressources tout en tenant compte des styles d’apprentissage.
Au final, l’éducation doit évoluer pour répondre aux exigences du monde de demain. L’IA est un outil puissant qui peut être utilisé pour améliorer l’apprentissage et préparer les élèves à réussir dans une économie en mutation.
C’est un peu générique vous me direz, mais c’est une simple question posée à Gemini. J’aurais pu ajouter des arguments, un préambule, des contraintes de format, de ton, etc., pour stimuler davantage sa réponse. Cette dernière aurait également pu être étoffée au fil d’une discussion avec des commentaires et contre-arguments pour en arriver à un point de vue entièrement produit par l’IA à l’issue de notre « conversation ». Ceci n’aurait pas été pensable il y a 2 ans. Imaginez où seront rendus Gemini et ChatGPT en 2026!
En conclusion
Il est difficile de concevoir tous les impacts et les possibilités futurs de l’IA. Ce n’est pas une raison d’attendre et de regarder le train passer. Le monde de l’éducation doit dès maintenant composer avec cette technologie évolutive et suivre le virage pour assurer une formation adéquate des futurs travailleurs. Et ça doit commencer dès maintenant par une refonte complète de la formation des enseignants dans nos universités!